Comme le dit l’adage populaire, « la vérité est têtue ». C’est ce que nous allons démontrer. Le 24 janvier dernier, le Président de la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou a présidé une audience pour interpréter sa décision de mise en liberté provisoire accordée au Général Djibrill BASSOLE. À l’issue de cette audience, le Président de la chambre de contrôle a déclaré que sa décision d’accorder la liberté provisoire à l’ancien ministre des affaires étrangères n’est pas prise sur la base de l’article 100 du code de justice militaire.
Cette interprétation, qui constitue une victoire d’étape pour les partisans de BASSOLE qui n’ont jamais cessé de dénoncer les abus de pouvoir du parquet militaire et l’immixtion flagrante de l’exécutif dans le dossier du putsch, a conduit à ce que le ministre de la justice fasse une sortie médiatique sur oméga FM le 31 janvier pour tenter malencontreusement de justifier l’assignation à résidence surveillée de l’intéressé.
L’interview accordée par le ministre BAGORO à cet organe de presse se résumait à trois points essentiels à savoir : le renouvellement des acteurs de la justice militaire, l’interprétation de l’assignation à résidence surveillée et l’avis du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Au cours de cet entretien, le ministre de la justice a eu du mal à convaincre plus d’un, car ces tentatives de réponse laissaient tout observateur même profane sur sa faim. Concernant le renouvellement au niveau du tribunal militaire, quand bien même la loi autorise le renouvellement annuel des mandats des juges, c’est la coïncidence déconcertante qui sème le doute dans cette affaire.
En effet, il convient de souligner que ce soit disant renouvellement intervient juste au lendemain de l’interprétation du Président de la chambre de contrôle sur l’assignation à résidence surveillée. S’agissant de l’interprétation de la décision de mise en liberté provisoire, le ministre BAGORO a tenu à préciser que : « La chambre de contrôle n’a aucune compétence pour remettre en cause l’arrêté (ndlr l’arrêté portant assignation à résidence surveillée de Djibrill BASSOLE).
La chambre de contrôle n’est compétente que pour des questions pénales, notamment que pour apprécier des dossiers d’instruction ; donc l’arrêté qui a été pris par le ministre de la défense n’est qu’un acte administratif et seules les juridictions administratives sont compétentes pour en connaitre ». Ce qui est une description parfaite des compétences de la chambre de contrôle par le ministre. Mais le garde des Sceaux va plus loin en voulant interpréter les déductions logiques des partisans de BASSOLE qui, au sortir de l’audience, ont déclaré illégal l’arrêté portant assignation à résidence pris par le ministre de la défense. Ainsi donc, après avoir donné les compétences de la chambre de contrôle des charges, le ministre de la justice conclut que : « Donc dire que la chambre de contrôle a déclaré illégal l’arrêté est totalement infondé. La chambre de contrôle a interprété en disant que sa décision n’a pas été prise sur la base de l’article 100 (ndlr du code de justice militaire) et que cela n’avait pas besoin d’un arrêté pour application.
Mais cela n’implique pas que cet arrêté n’est pas valable puisque c’est un acte administratif seul, je le répète, le juge administratif peut déclarer l’arrêté illégal. Donc de sorte que l’arrêté est toujours valable parce qu’il n’a pas été remis en cause par le juge d’instruction ». Cette conclusion du ministre BAGORO qui est pleine de contradictions montre à quel point soutenir le faux est une épreuve très délicate :
1. Le ministre ne conteste pas l’interprétation du Président de la chambre de contrôle. Par conséquent, l’arrêté du ministre de la défense est abusif et manifestement illégal puisque la décision de mise en liberté provisoire n’est pas fondée sur l’article 100, qui est le seul article qui encadre la mise en résidence surveillée dans l’arsenal juridique burkinabè.
2. Même si l’arrêté est un acte administratif et qu’il appartient à un juge administratif d’en connaitre, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas valable puisque cet arrêté n’a pas de fondement juridique.
3. Pour apprécier l’assignation à résidence de Djibrill BASSOLE le ministre a tenu à ne pas se prononcer tout en reconnaissant que c’est une décision de justice et qu’il s’en tenait à cela. Ces affirmations sont très graves de la part d’un ministre de la justice qui est sensé veiller au strict respect du droit et une bonne administration de la justice.
Enfin, sur la question de l’avis du Groupe de travail de Nations unies sur la détention arbitraire, le ministre a tenu des propos qui laissent penser que le Gouvernement du Burkina Faso n’a jamais eu l’intention de s’exécuter comme il l’a toujours prétendu. Le ministre disait en substance que : « Lorsque que le Groupe de travail des Nations unies a rendu son premier avis, qui est avis d’abord ce n’est pas une décision, nous avons fait un recours conformément aux textes, et jusqu’au jour d’aujourd’hui nous n’avons pas reçu notification de la décision qui aurait été prise par le Groupe de travail.
C’est un communiqué qui a été fait, un communiqué relayé par les avocats de monsieur BASSOLE ; vous savez nous sommes partie dans ce dossier et donc le Groupe de travail a obligation de nous notifier sa décision rédigée en bonne et due forme ». Il n’appartient pas au Gouvernement du Burkina Faso d’exiger aux Nations unies une méthode de travail ou la nature de ces documents qui revêtent plusieurs formes.
Le Burkina Faso a demandé la révision de l’avis 39/2017 (Burkina Faso) et quel que soit le procédé utilisé par le Conseil des droits de l’homme pour notifier aux parties prenantes sa décision, elles y sont toutes soumises. Mais ce qu’il faut préciser, c’est que le communiqué officiel des Nations unies en date du 7 décembre tire sa source et sa substance de la décision du Conseil des droits de l’homme.
En réalité, l’insistance du ministre de la justice sur la nature du délibéré nous amène à nous interroger sur la bonne foi de l’exécutif burkinabè quant à sa volonté réelle de s’exécuter conformément à l’avis qui est rendu. Il est opportun et indispensable de préciser que même si le Conseil des droits de l’homme rend un avis qui n’est pas d’abord une décision selon les dires du ministre de la justice, il convient de souligner dans le même sens que cet avis a une valeur morale contraignante dans le sens qu’il émane du point de vue de toute une communauté de Nations dont le Burkina Faso est membre.
Ne pas se conformer à la décision des Nations unies, ne peut que porter préjudice à l’image et à la crédibilité du Burkina Faso en matière de respect de la légalité internationale et des droits fondamentaux de l’homme.
HIEN Alfred
Informaticien à FADA N’Gourma
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