Recrutement d’enseignants assistants et attachés de recherche 2017: un jeune candidat parle de «magouille» Spécial

mercredi, 22 novembre 2017 08:45 Écrit par  Un doctorant burkinabè Publié dans Société

Dans cette lettre qui nous parvenue, un étudiant burkinabè, jeune doctorant, fait des critiques sur le mode opératoire observé dans le recrutement d’enseignants assistants et de chercheurs des universités et des centres de recherche au Burkina Faso. Voici son écrit. 

Après trois années d’attente pour postuler au recrutement des assistants et attachés pour le compte du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, une session de recrutement a été enfin ouverte en juin 2017. La dernière date de 2014.

Etant jeune docteur depuis l’extérieur, pouvoir postuler à ce concours, être parmi les admis et contribuer au rayonnement du Burkina Faso à travers la recherche scientifique était vraiment l’accomplissement d’un rêve.

Mais voilà ! Je me dois de réagir pour l’histoire face aux graves manquements observés depuis juin 2017.

1. Le communiqué de lancement du concours indique clairement que les admis prendront service le 1er novembre 2017. Et jusqu’à ce jour, aucun communiqué officiel sur l’état de traitement des dossiers. Comment peut-on oser traiter des intellectuels, de jeunes docteurs ainsi, et espérer de ces derniers l’éthique et le travail bien fait ?

2. Depuis l’ouverture du concours en juin, il a fallu attendre mi-octobre pour constater l’affichage du programme de passage pour les entretiens, qui finalement ont consisté à : «quel est votre nom et prénom ?» ; «présentez-vous en 5 mn»… Cela sans réellement aborder les points relatifs à la qualité scientifique du candidat qui est nul doute le plus important. L’entretien donnait l’air que les admis étaient déjà sélectionnés, et qu’il s’agissait tout simplement d’une scène de comédie.

3. De par le passé, chaque institution (CNRST, UO, IDS, …) recrutait ses assistants et attachés de recherche ; il est aisé de remarquer que ces recrutements étaient moins tachés d’irrégularités. D’ailleurs les résultats étaient disponibles avant la date de prise de service. Pourquoi tout centraliser au ministère si vous n’êtes pas prêts à mieux faire ? S’agit-il d’une sorte de grand pont pour mieux « pousser » des camarades et amis ?

4. Un point très particulier du recrutement cette année est la possibilité pour toute personne, même déjà fonctionnaire, de postuler à ce recrutement. Est-ce un concours professionnel ? Non évidemment ! Pourquoi ne pas se focaliser sur les jeunes docteurs sans emploi, si vraisemblablement un des objectifs de ce gouvernement était de promouvoir une jeunesse consciente ? Une liste d’admis non signés, affiché au ministère de l’enseignement supérieur laisse voir qu’il y a plus de fonctionnaires sélectionnés que de jeunes docteurs étant à la recherche d’emploi. Pourquoi ?

5. Pour être assistant d’université ou attaché de recherche, il faut être titulaire d’un doctorat, d’un PhD. Cette condition est également exigée par le CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur). Comment se fait-il que des ingénieurs (niveau bac +5) ou des docteurs d’état (niveau bac +6 ou 7) soient autorisés à postuler au concours de niveau PhD (bac + 9) ?

Rappelons ici que le doctorat d’état en science de la santé équivaut en réalité à un niveau bac +5, donc ingénieur. Au Burkina Faso, ce diplôme est obtenu après 7 années d’études. En Côte d’Ivoire, 6 ans suffisent pour l’obtenir.

Un docteur d’état en santé ne peut être directement recruté comme attaché de recherche ou assistant d’université. Ce cas d’irrégularité est observé pour le recrutement d’attachés de recherche pour le compte de l’IRSS. Un «bras long» du ministère cherche-t-il à frauder ? Pour preuve, voir la liste affichée au ministère.

Je lance ainsi un appel à nos autorités, et plus particulièrement à ceux du ministère en charge de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique à observer un minimum de considération à l’endroit des jeunes intellectuels qui n’ont qu’un seul rêve: travailler et contribuer au rayonnement du Burkina Faso, à travers la recherche scientifique et l’enseignement supérieur de qualité.

J’ai également été désagréablement surpris de constater que cette situation n’a fait l’objet d’attention d’aucun organe de presse, ni de structure de la société civile. Il faudrait que cette situation change. La modeste proposition que je fais, c’est de confier tout simplement aux différentes structures bénéficiaires, comme c’était ainsi de par le passé, le processus de recrutement dans l’enseignement supérieur et dans la recherche scientifique.

L’expérience de cette année porte à croire que les structures du ministère sont incapables d’assurer dans le respect cette tâche, contrairement aux universités et centres de recherche qui faisaient mieux. Si cette situation demeure, il ne faudrait pas être surpris de constater que face à ces types d’injustice subis, de jeunes enseignants et chercheurs quittent les amphis et salles de laboratoire pour faire de la politique.

Au regard de tous les points soulevés, il est aisé de sentir une forte odeur de corruption qui ne dit pas son nom, dans ce processus de recrutement. Jusqu’à ce jour, on ignore quand les résultats définitifs sortiront. On ignore également quand les admis seront appelés à prendre effectivement service, chose qui était prévue pour le 1er novembre passé.

Ce qui implique aucun sérieux de la part du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans ce processus de recrutement.

 

De la part d’un jeune docteur burkinabè depuis la France,

Paris, le 18 novembre 2017

 

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