La rentrée judiciaire a eu lieu ce lundi 02 octobre 2017. Le thème choisi pour cette rentrée est intitulé : « Les rapports entre les juridictions communautaires africaines et les juridictions nationales ». Il permettra aux acteurs de la justice, de porter une réflexion approfondie sur les liens entre les juridictions du Burkina Faso et les juridictions communautaires africaines.
Le Réseau national de lutte anticorruption, une fois de plus saisit cette occasion pour s’adresser à tous les acteurs de l’institution judiciaire. Considérée comme le ciment de la société, la justice est l’institution vers laquelle tous les citoyens notamment les plus faibles (la veuve et l’orphelin) sont censés se tourner quand ils s’estiment lésés. Ce qui fait d’elle l’un des garants de la cohésion sociale dans une nation. De ce point de vue, elle doit être au service du citoyen lambda et montrer tous les gages suffisants pour une bonne administration de la justice dans la société.
Ainsi, elle méritera la confiance du peuple au nom duquel d’ailleurs la justice est rendue. Jusqu’à ce jour le peuple burkinabè et sa justice ne semblent pas être toujours sur les mêmes longueurs d’ondes. C’est là que devrait porter toutes les réflexions et autre attention pour construire une justice crédible, juste et transparente au service du peuple.
En même temps que le thème de la rentrée judiciaire nous interpelle sur les multiples obligations internationales de la justice burkinabè, elle doit nous interpeller davantage et particulièrement sur les différents engagements internationaux du Burkina en matière de lutte contre la corruption. En effet, pendant longtemps, la justice burkinabè a été le maillon faible de la lutte anti-corruption. Justiciables, société civile, structures de lutte contre la corruption n’ont eu de cesse de dénoncer « l’impunité des faits de corruption », appelant la justice à sévir contre la gangrène.
Cette rentrée se tient au moment où la justice reste encore sous les feux des projecteurs, devant les nombreux scandales de corruption mis au jour. L’affaire ONATEL SA – Douane, l’affaire Inoussa KANAZOE, PDG du groupe Kanis International et de l’entreprise CIMFASO ; les soupçons de détournement d’argent au SIAO, au Fonds d’entretien routier, au CSC, la gestion mafieuse des fonds des services payés par la hiérarchie de la Police nationale etc. ont fait l’actualité au cours de cette année 2017.
Les rapports publics de la Cour des comptes et de l’ASCE-LC ont aussi fait cas de nombreux irrégularités et détournements de deniers publics. A titre d’exemple, selon le rapport 2015 de l’ASCE, l’ancien Président Blaise Compaoré et son frère cadet sont redevables à l’Etat burkinabè de près 10 milliards de FCFA. Tous ces dossiers attendant d’être vidés par la justice burkinabè.
La rentrée judiciaire 2017 – 2018 se tient aussi et surtout à un moment crucial où la justice burkinabè vient de faire son autocritique par la mise en place salutaire d’une commission d’enquête par le Conseil supérieur de la magistrature devant les accusations de corruption. En juillet 2017, la commission d’enquête du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) rendait certes son rapport. Un rapport qui a conclu selon les termes d’un communiqué, à l’existence de manquements à l’éthique et à la déontologie, impliquant plusieurs acteurs de la justice. Mais l’opinion est restée sur sa faim.
Le rapport n’a pas été rendu public et aucune action n’a encore été entreprise par la justice contre ses éléments qui se sont rendu coupables de manquements à l’éthique et à la déontologie. Il est vivement attendu que le rapport soit rendu public. A l’instar des autres citoyens, les juges sur qui pèsent les soupçons doivent être entendus, jugés et sanctionnés si besoin est. En effet, les jugements et des sanctions viendront nous convaincre qu’être juge au Burkina n’est pas synonyme d’immunité ou même d’impunité.
S’il est vrai que la justice a donné des signes encourageants cette année dans le traitement de certaines affaires de corruption (Affaire KANI’S, CSC…), nous souhaitons qu’elle parachève son œuvre avec des procès justes et équitables dans des délais raisonnables. Il faut se rappeler que des dossiers comme celui de l’affaire Ousmane GUIRO qui date de 2012 n’ont pas encore connu leur épilogue. Les suites judiciaires des rapports d’enquêtes parlementaires sur le foncier, sur les mines et tout récemment les rapports publics de la Cour des Comptes et de l’ASCE-LC sont légitimement attendues avec une certaine impatience.
Le REN-LAC félicite et encourage les acteurs judiciaires réellement épris de justice qui œuvrent quotidiennement pour rendre justice dans les conditions de travail difficiles. Il reconnait les efforts consentis depuis l’insurrection de 2014 pour lutter contre la corruption dans la justice, l’administration publique et même dans le secteur privé. Cependant pour une justice véritablement indépendante débarrassée de la corruption et au service du peuple, le REN-LAC :
1. appelle l’ensemble des acteurs judiciaires à se mobiliser davantage pour préserver et approfondir les acquis chèrement conquis sur le terrain de l’indépendance de la justice ;
2. demande la publication du rapport de la commission d’enquête du Conseil supérieur de la magistrature ;
3. exige des suites judiciaires appropriées suite à la production du rapport de la commission d’enquête du CSM, et aux rapports 2015 de la Cour des comptes et de l’ASCE-LC ;
4. invite l’ensemble de la famille judiciaire (magistrats, avocats, greffiers, huissiers, notaires, GSP…) à s’engager à offrir une image moins écornée de la justice burkinabè.
Bonne année judiciaire 2017-2018 !
Le Secrétariat exécutif