Par la présente déclaration, le Syndicat autonome des magistrats burkinabé (SAMAB) voudrait prendre le peuple burkinabé à témoin sur ce qui se passe au Conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature. En effet, la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui s’est tenue le 28 juillet 2016, avait entre autres délibérations, procédé à la création d’une commission chargée de mener des enquêtes sur des manquements à la déontologie et à l’éthique allégués contre des magistrats.
Cette exorbitante initiative du CSM qui s’accapare d’autorité et de fait de la compétence de l’inspection des services judiciaires et de la commission d’admission des requêtes telle que prévue par la loi organiques 049-2015/CNT du 25 août 2015 portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du CSM, a néanmoins enregistré l’adhésion du SAMAB, convaincu en son temps que magistralement conduite, elle aurait permis de restaurer un climat de confiance entre le peuple insurgé et les magistrats. Depuis lors, le SAMAB a fait preuve d’une volonté soutenue de contribuer à la redynamisation du conseil de discipline du CSM et malgré les récriminations faites à cette commission d’enquête, il a continué à croire en la bonne foi des acteurs.
Malheureusement, le dénouement des évènements a fini de nous convaincre que la mise en place de cette commission a créé une occasion favorable pour des règlements de compte internes, de nature à engendrer une fissure sans précèdent au sein de la magistrature et partant, de la discréditer davantage. Cette forfaiture orchestrée avec dextérité est perceptible à travers certaines dérives de la commission d’enquête et du conseil de discipline dont :
- Le fait pour la commission d’enquête de décider, de manière discriminatoire, d’écarter certaines dénonciations des poursuites disciplinaires ;
- La stigmatisation à l’encontre de certains magistrats alors même que leur dossier est vide ; ceux-ci ont fini par être acquittés ;
- Les fuites et la publication systématique des résultats de la commission d’enquête et du conseil de discipline dans les organes de presse en violation du principe élémentaire de la présomption d’innocence et du devoir de confidentialité ;
- L’acharnement manifeste sur certains magistrats mis en cause par la commission d’enquête qui, sans les avoir entendu a demandé leur traduction en conseil de discipline ;
- La violation des principes tels ceux de l’autorité des décisions de justice (cf. arrêt du Conseil d’État n°060 du 11 mai 2018 ordonnant le sursis à exécution de la décision n°002 du 22 novembre 2016 de la présidente du CSM), le droit à une juridiction impartiale (déclaration d’incompétence du Conseil de discipline sur les récusations faites par les magistrats mis en cause et décision de rapporter les décisions de la présidente du CSM, présidente du Conseil de discipline faisant droit aux requêtes en récusation dont elle a été saisie) et les principes attachés aux droits de la défense devant une instance disciplinaire (rejet systématique des exceptions et des demande de sursis à statuer).
Ces manquements graves de la commission d’enquête et du conseil de discipline dénoncés avec force lors de notre 12ème congrès tenu à Ouagadougou le 1er juin 2018, loin d’honorer la magistrature, nous expose inéluctablement à la satire populaire. En effet, le SAMAB se refuse d’imaginer la consternation et la désillusion de tous ceux qui ont cru à ce conseil de discipline, si les juridictions saisies venaient à faire droit aux recours des magistrats. Ne dira-t-on pas que la montagne n’a accouché que d’une souris ?
Par ailleurs, face aux fuites d’informations constatées au niveau de la commission d’enquête et du conseil de discipline sur les identités des magistrats mis en cause d’une part, et les sanctions écopées par ceux-ci d’autre part, le SAMAB, tout en s’étonnant de ce qu’une enquête n’ait pas encore été ouverte, exige l’ouverture de ladite enquête en vue de découvrir, non seulement, le ou les auteurs de ces faits contraires aux règles de confidentialité qui s’imposent aux membres de ces instances, mais aussi, leurs mobiles cachés.
Le SAMAB suit de près l’évolution des évènements et invite les membres du Conseil de discipline à plus de professionnalisme dans le traitement des dossiers dont le CSM est saisi. Il n’entend aucunement permettre à une instance comme le conseil de discipline de mépriser les textes nationaux et internationaux en vigueur au détriment des droits élémentaires de la personne humaine.
Ouagadougou, 9 juin 2018
Le Comité exécutif du SAMAB