Burkina Faso : 4 ans après l’insurrection populaire, des présidents d’OSC apprécient Spécial

dimanche, 04 novembre 2018 15:02 Écrit par  Salamata NIKIEMA/Infobf.net Publié dans Politique

Le Burkina Faso vient de commémorer le quatrième anniversaire de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. En marge à cette actualité, avec des leaders d’opinion, leaders d’Organisation de la société civile, les avis sont divers et opposés quant-aux acquis de ce soulèvement populaire qui a renversé tout un régime. Si pour Abraham Badolo, président de l’Alliance pour la défense de la patrie (ADP) «rien a changé malgré cette insurrection populaire» et que les mêmes maux existent encore aujourd’hui, Boukaré Conombo le président du Mouvement Brassard Noir pense plutôt que la rupture «est consommée» d’avec l’ancien système. Quant-à Aziz Sana, coordonnateur du Mouvement ça suffit, ancien député sous la Transition, le bilan, quatre ans après est «plus ou moins mitigé». Voici leurs réactions : 

«La vie est devenue encore plus chère», Abraham Badolo président de l’ADP

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«D’abord j’aimerais m’incliner et saluer la mémoire de nos camarades qui sont tombés les 30 et 31 octobre 2014, pour un véritablement changement et pour une démocratie vraie au Burkina Faso. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je dirai que 4 ans se sont écoulés et les attentes ne sont pas au rendez-vous. Parce que quand nous sommes sortis les 30 et 31 octobre 2014, c’était pour un changement total et réel de nos conditions de vie. Nous pensions que le départ de Blaise Compaoré allait permettre à une nouvelle ère de venir bâtir le Burkina Faso sur de nouvelles valeurs, ce qui, malheureusement n’est pas le cas aujourd’hui. Quatre ans après l’insurrection populaire, on ne parle plus de rendre justice aux martyrs, les responsabilités ne sont toujours pas situées et il y a toujours des blessés qui attendent de recevoir des soins et également les familles des martyrs qui n’ont pas été totalement indemnisées. La vie est devenue encore plus chère et aujourd’hui, ce que nous avions critiqué sous l’ère Compaoré est de retour dans la nouvelle gouvernance post-insurrectionnelle. Voyez aujourd’hui, quand on parle d’audience monnayée à la Présidence du Faso et je prends comme exemple aussi les bitumes de Gaoua pour le dernier 11 décembre. Après avoir dépensé des milliards de FCFA pour les réaliser, seulement quelques mois après et suite à quelques pluies, on ne retrouve plus grand-chose, c’est devenu la ruine. C’est pour dire que le Burkina Faso post-insurrectionnel, nous nous rendons compte que rien n’a véritablement changé. Je dirai également que cela est la faute des burkinabè parce que nous n’avons pas voulu une rupture et nous avons préféré faire confiance à des gens qui ont démissionnés quelque mois avant la chute de l’ancien président Blaise Compaoré, nous nous rendons compte aujourd’hui que se sont les mêmes personnes qui étaient les architectes du régime Compaoré, parce que tout est pire qu’avant. Aujourd’hui, il faut songer à soigner les plaies, avec le recul, il faut travailler à réconcilier les burkinabè. On doit commencer à réfléchir pour trouver le moyen pour aller à une véritable réconciliation pour que le pays là puisse se retrouver. »

« Le peuple burkinabè se retrouve dans l’insurrection », Boukaré Conombo, président du Mouvement « Brassard Noir »

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« je salue la mémoire des camarades tombés lors des évènements des 30 et 31 octobre 2014 lorsque nous sommes sortis, pour mettre fin à un régime qui avait passé 27 ans au pouvoir. Chaque année nous rappelle un moment de tristesse parce que nous ne pouvons pas comprendre que quatre ans après, pour nos camarades de lutte qui ont perdu la vie lors de ces évènements, justice ne soit pas encore rendus. C’est ça qui nous attriste à chaque commémoration. Parce que on ne peut pas comprendre que les gens usent de leur droit constitutionnel, sortent pour dire non à la modification de l’article 37, manifestent contre un régime pour réclamer une meilleur condition de vie, et qu’ils soient tués sans que les responsabilités des uns et des autres ne soient situées depuis 4 ans. Il faut que le droit soit dit et que la lumière soit faite sur cette affaire qui n’a que trop durée. La plus belle commémoration qu’on peut donner aux morts, c’est la justice et il faut que justice soit rendue à nos martyrs afin qu’on puisse parler de réconciliation. Pas de justice, pas de réconciliation ! Il n’y a pas de deal possible, la voix est claire et tracée justice-vérité et réconciliation. On veut savoir qui a tiré, qui a donné l’ordre de tirer et pourquoi ? Pour nous, cette lutte a eu des acquis et aujourd’hui, il y a plus de démocratie, de liberté d’opinion et les mauvaises pratiques ont disparues. Pour nous on ne doit pas regrette l’insurrection populaire, parce que c’est le peuple qui a pris sa responsable, une seule personne peut se tromper mais pas un peuple, alors que c’est le peuple burkinabè qui est sorti pour dire « non » au régime de Blaise Compaoré et cela doit être une victoire. Quand les gens disent que rien ne va, ou qu’on regrette d’être sorti les 30 et 31 octobre 2014, je dirai que la grande majorité du peuple burkinabè se retrouve dans l’insurrection et nous « Brassard Noir », nous demandons aux autorités de rester dans l’esprit de l’insurrection parce que la rupture a été consommée avec l’ancien régime du fait que le train de vie de l’Etat a diminué. Le Président du Faso lui-même ne peut plus se permettre certaines choses et ce ne sont pas ses ministres qui feront le contraire. »

« Notre combat c’est de faire en sorte que la vie soit sacrée », Aziz Sana, coordonnateur du Mouvement ça suffit

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 « Après quatre ans, le bilan est plus ou moins mitigé par rapport à l’espoir que nous avions de l’insurrection populaire. Lors de ces évènements des 30 et 31 octobre 2014, nous avons marché pour plusieurs raisons : plus jamais de pouvoir à vie, non à la monopolisation familiale du pouvoir et surtout souhaité qu’il ait une alternance politique dans le pays. Parce qu’après 27 ans, nous pensions que l’alternance allait marquer le début de plusieurs espoirs. Pour nous, quatre ans après, il y a eu des avancées question gouvernance économique et politique. Mais, il faut dire que ces avancés nous laisse un peu amère, parce que nous avons estimé en son temps qu’il fallait arrêter les différents meurtres dans le pays. Nous avions dénoncé et condamné la mort de Norbert Zongo, Thomas Sankara etc. Aujourd’hui, la vie est devenue beaucoup plus banale au Burkina Faso, tous les jours il y a mort d’homme. Notre combat c’est de faire en sorte que la vie soit sacrée. Sur le plan sécuritaire le bilan est négatif. Sur les questions de justice, la justice d’une manière ou d’une autre s’est mise en branle. Ce qui n’était pas le cas avant sous l’ancien régime. Aujourd’hui, il y a des autorités qui sont en prison, ce qui ne se voyait pas avant l’insurrection populaire. Mais, il ne faut pas non plus oublier le fait que les dossiers emblématiques restent toujours dans les tiroirs et beaucoup de choses doivent être mise en œuvre pour que cette justice ait une plus grande noblesse. Au niveau économique, les dirigeants sont conscients que seul leur bilan leur permettra de se faire réélire. Les actions du gouvernement sont mises en exergue pour permettre au burkinabè de savoir que ce sont leurs impôts qui ont permis la réalisation de ces actions. Cette prise de consciente politique est importante et le peuple sait dorénavant que le budget de l’Etat provient de sa propre proche. Dans le lot des insurgés il y a ceux qui étaient convaincus que la démocratie est une bonne chose. Mais y a ceux-là aussi qui étaient parmi nous en tant qu’insurgé seulement pour leurs intérêts personnels. Après l’insurrection, quand certaines personnes tiennent certains propos, on se pose beaucoup de questions à savoir s’ils sont vraiment des insurgés. Ils cherchent plutôt des opportunités pour profiter être dans de bonnes mains et s’enrichir sans penser aux autres, c’est dommage ! Dans toute lutte il y a toujours de mauvaises graines à l’intérieur, il faut travailler à ce que les bonnes graines puissent prendre le dessus. »

 

Salamata NIKIEMA

Infobf.net

 

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