Peuple du Burkina Faso,
Le 15 octobre 1987, dans l’après-midi, au sein du Conseil de l’entente à Ouagadougou, le capitaine Thomas Isidore Noël Sankara, Président du Faso, Président du Conseil national de la révolution démocratique et populaire, et douze participants à une réunion qu’il avait convoquée, étaient massacrés. Cet assassinat fut déguisé en coup d’Etat trois jours plus tard à travers une proclamation portant le capitaine Blaise Compaoré, son alter-ego à l’époque, à la tête du Front populaire, dont les statuts ont été publiés en mars 1988.
Le 15 avril 1989 naissait l’Organisation pour la démocratie populaire-Mouvement du travail, dont les tenants du pouvoir actuel furent les principaux animateurs, parti qui permit au Président Blaise Compaoré d’asseoir un pouvoir trentenaire. Annoncé par le chef de l’État dans son message à la nation du 31 décembre 1989, le retour à une vie constitutionnelle (dicté par l’injonction du sommet de la Baule qui menaçait les Etats africains non démocratiques de représailles) a été effectif par le référendum du 02 juin1991.
Le 1er décembre 1991, le candidat unique Blaise Compaoré, en disponibilité de l’armée, se faisait élire comme premier Président de la IVe République, par 21,6% des électeurs inscrits. Le Président Blaise Compaoré s’est fait réélire successivement en décembre 1998, décembre 2005 et novembre 2010. Le mandat 2010-2015 du Président Blaise Compaoré était en cours. Au premier semestre de l’année 2011 eurent lieu des mutineries au sein de l’armée nationale : de mars à juin, la quasi-totalité des casernes, y compris la garde prétorienne du chef de l’Etat, se mutinèrent, parallèlement à des manifestations populaires.
En rappel, c’est en janvier 1997, sous le règne du CDP, que le verrou de la limitation des mandats présidentiels fut sauté. L’opposition politique se retrouva dans le Groupe du 14 février (officialisé le 14 février 1998) pour dénoncer la dérive monarchiste du pouvoir en place. Dans les années 2000, le Chef de file de l’opposition, en tant qu’institution acquise de haute lutte, commença à devenir un foyer de rassemblement de l’opposition. En février 2010, des responsables du même CDP affirmèrent que l’article 37 de notre Constitution était anti-démocratique et qu’il fallait le modifier.
Face à l’amplification de la protestation contre l’ambition du pouvoir à vie, un Conseil consultatif sur les réformes politiques, créé en mai 2011, fit des propositions consensuelles de réformes politiques (parmi lesquelles la création d’un sénat), consolidées et validées en décembre de la même année au cours d’assises nationales. La création de ce sénat, comme deuxième chambre du Parlement, fut consacrée par la loi constitutionnelle n°033-2012/AN du 11 juin 2012. Le comité de suivi et d’évaluation des conclusions des assises recommanda néanmoins de maintenir les concertations avec toutes les couches sociopolitiques du Burkina Faso afin de préserver la paix et la cohésion sociale.
Le 14 septembre 2013, le Président de la République, s’adressant à une délégation de confessions religieuses, évoqua, pour la première fois, la possibilité de ne pas être candidat à la présidentielle de 2015 et indiqua son intention de ne pas modifier l’article 37 de la Constitution, car il ne souhaitait pas qu’en 2016 le pays se retrouve dans une crise, qui échapperait au contrôle des hommes politiques, au cas où le virage de 2015 serait mal négocié. C’était dans un esprit d’anticipation de cette crise éventuelle qu’il prévoyait d’ailleurs la mise en place du sénat. Etait-il sincère ou était-il opportuniste ? Encouragé par sa cour et ses courtisans, le Président déclara le 12 décembre 2013 à Dori qu’il pourrait recourir au référendum pour départager les Burkinabè.
Le 11 janvier 2014, la FEDAP/BC, à Bobo-Dioulasso, invitait le Président à être candidat en 2015. Le mouvement de protestation contre la mal gouvernance attestée par la vie chère, la corruption, le pillage des ressources publiques, le tripatouillage de la Constitution, la patrimonialisation du pouvoir d’Etat, la velléité du Chef de l’Etat de s’éterniser au pouvoir, prit de l’ampleur.
Au cours de l’année 2014, le projet de mise en place du sénat et de modification de l’article 37 de la Constitution donna à la lutte de résistance, conduite par le Chef de file de l’Opposition politique, une nouvelle dimension ; elle culmina en insurrection les 30 et 31 octobre, grâce à la constitution d’un front social large intégrant pratiquement tous les segments de la communauté nationale, après que le conseil des ministres du 29 octobre eut pris la décision de soumettre à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la révision de la Constitution et à la tenue du référendum. Le 31 octobre 2014, le président Blaise Compaoré, face à l’ampleur et au bilan de la manifestation, démissionna, appelant à mettre en œuvre l’article 43 de la Constitution.
Vaillant Peuple du Burkina Faso,
Ce qui s’est passé le 31 octobre 2014 et les jours suivants est connu du monde entier. Les événements de fin octobre 2014 sont une insurrection populaire. La longévité d’un règne, la pseudo-démocratie, la patrimonialisation du pouvoir d’Etat, les populations à l’abandon, la corruption, l’impunité, l’autisme ont pu conduire à ce dénouement dramatique ayant permis le renversement d’un régime qui avait fini par s’emmurer dans une tour d’ivoire. Vue sous l’angle d’un exploit, cette insurrection a plusieurs pères. Un opportunisme évident s’est développé autour de ce mouvement populaire qui a abouti. Même ceux qui officiellement avaient refusé de participer aux manifestations de fin octobre 2014, revendiquent aujourd’hui la paternité de cette insurrection.
Peuple du Burkina Faso,
Nous bouclons la quatrième année de la période post-insurrection. Encore une fois des initiatives diverses sont prises pour la commémoration des 30 et 31 octobre. L’Organisation des Peuples Africains fait le constat suivant : Les événements de fin octobre 2014 étaient motivés par la soif d’une bonne gouvernance. Les événements de fin octobre 2014 ont causé des pertes en vies humaines. Les événements de fin octobre 2014 ont fait des blessés, des traumatisés et des victimes de tous genres. Les événements de fin octobre 2014 ont mis à mal la noblesse des symboles de l’Etat. Les événements de fin octobre 2014 ont abouti à la chute du régime qui était en place.
L’Organisation des Peuples Africains déplore les pertes en vies humaines du fait des événements de fin octobre 2014 ; elle a une pensée profonde pour tous ceux qui sont tombés à cette occasion et pour toutes les victimes de ces événements et demande justice pour eux. L’insurrection de fin octobre 2014 fut malheureusement une occasion ratée. Elle aurait pu ouvrir l’ère d’une nouvelle classe dirigeante, d’une gouvernance révolutionnaire, d’un nouveau contrat entre le peuple et les Forces de défense et de sécurité. L’enseignement que nous pouvons tirer de ces événements est qu’un peuple uni et debout est toujours victorieux.
Nous pouvons également affirmer que quiconque ruse avec les valeurs et principes de la démocratie fait le lit de la résistance populaire. Malheureusement, la majorité des Burkinabè a une impression de continuité dans la gouvernance et d’incivisme des citoyens persistant, voir grandissant dans le Burkina post-insurrection. La rupture structurelle et la gouvernance vertueuse qui devaient consacrer le tombeau du système COMPAORE demeurent un vœu pieux pour nos masses populaires qui paient et paieront un lourd tribut à ces politiques néolibérales dictées de l’extérieur dont le pouvoir actuel est continuateur par son PNDES.
L’Organisation des Peuples Africains, constatant la désillusion des insurgés de fin octobre 2014, appelle les gouvernants actuels à s’affranchir des pratiques décriées du pouvoir déchu et à mettre en œuvre une gouvernance de rupture vertueuse. La prochaine commémoration des événements de fin octobre 2014 se fera à un moment où se tient le procès du Conseil national pour la démocratie. L’Organisation des Peuples Africains se félicite de la tenue de ce procès, car il en appelle d’autres, dont celui des événements des 30 et 31 octobre et jours suivants.
L’Organisation des Peuples Africains attend l’ouverture de procès relatifs à d’autres dossiers tels le dossier du juge Salifou Nébié, le dossier Norbert Zongo, le dossier Boukary Dabo, le dossier Thomas Sankara et ses compagnons, etc. En effet, l’Organisation des Peuples Africains estime que le chemin pouvant nous conduire à la réconciliation nationale ne saurait faire l’économie d’aucun des crimes de sang ou économiques commis dans le cadre de la pratique politique moderne dans notre pays et qui n’ont pas encore fait l’objet de traitement. L’Organisation des Peuples Africains estime que seules la vérité et la justice peuvent conduire à la réconciliation nationale.
La prochaine commémoration des événements de fin octobre 2014 interviendra à un moment où notre pays subit, et cela depuis janvier 2015, des attaques lâches et meurtrières. Pour l’Organisation des Peuples Africains, la solution à ce problème inédit ne se trouve ni dans la nostalgie de l’ancienne intelligence qui a su nous protéger, ni dans des accusations grotesques, ni dans des manifestations folkloriques, ni dans le déficit de franche collaboration. Ceux qui nous gouvernent doivent comprendre qu’il est de leur devoir impérieux d’assurer l’intégrité territoriale et la sécurité des citoyens et de leurs biens.
L’ensemble des filles et fils du Burkina Faso doivent faire front face à l’ennemi commun. C’est le lieu de rendre hommage à nos Forces de Défense et de Sécurité, qui, comme toujours, font montre d’un patriotisme sans calcul et d’un courage remarquable sur les terrains d’opérations, parfois dans des conditions difficiles. Avec l’ensemble du Peuple, l’Organisation des Peuples Africains pleure tous nos enfants tombés sous les éclats assassins de prétendus terroristes et prie pour leur repos éternel. L’Organisation des Peuples Africains exprime sa solidarité à l’endroit de leurs familles. Avec l’ensemble du Peuple, l’Organisation des Peuples Africains affirme haut et fort que notre cause commune triomphera.
Elle triomphera parce que notre pays n’a jamais été soumis. Elle triomphera parce que nos Forces de Défense et de Sécurité n’ont pas perdu leurs performances. Elle triomphera parce que l’esprit de revanche ne saurait perdurer. L’heure du triomphe sonnera d’autant plus vite que nos gouvernants décideront d’assumer la souveraineté nationale et sauront rassembler les filles et fils de la nation autour d’eux.
Peuple du Burkina Faso,
L’Organisation des Peuples Africains, parti du néopanafricanisme révolutionnaire, fait la distinction nette entre une insurrection et une révolution. Elle estime qu’une révolution se prépare, se déclenche par le renversement du pouvoir décrié, se met en œuvre sur la base d’une orientation idéologique et s’assume. Elle estime par ailleurs qu’une gouvernance bourgeoise ne saurait poser des actes révolutionnaires. Elle n’en est pas capable. Elle estime que les démocraties tropicalisées en cours en Afrique conduiront encore à des révolutions.
L’Organisation des Peuples Africains estime que la date des 30 et 31 octobre doit être désormais un moment d’introspection pour la classe politique et l’ensemble de nos concitoyens. Introspection pour tirer des leçons de l’histoire politique lointaine et récente de notre pays. Ces leçons devraient nous édifier sur l’étape actuelle de l’évolution de notre pays et par conséquent la voie à emprunter et les moyens à utiliser pour réussir notre vivre-ensemble et le développement inclusif, équilibré et durable au profit de la majorité de nos concitoyens.
Vive l’Organisation des Peuples Africains !
Vive le Burkina Faso !
« Le Burkina ma fierté, l’Afrique ma force ! »
Pour l’OPA-BF,
Maître Ambroise S. FARAMA,
Président national