Infobf.net : Vous accompagnez les entreprises sur le plan juridique, Ã quoi consiste exactement ce travail de conseiller juridique ?
Hamidou Tiemtoré : Le conseiller juridique, c’est le professionnel du droit qui a pour mission essentiel d’assister ses clients dans les questions relatives au droit. Tous les jours que Dieu fait, que ce soit les personnes physiques ou les entreprises, nous posons des actes qui constituent l’essence de notre vie et les actes posés dans une société doivent par moment, obéir à une certaine norme préétablie pour harmoniser la vie en société. Ce qui suppose que chaque fois qu’on pose un acte ou on prend une décision il y a des conséquences sur le plan du droit. Il est vraiment loisible qu’une entité ou un individu qui veut prendre la décision ou qui veut poser un acte quelconque, soit informé de la portée juridique de son acte avant de décider s’il va la poser ou pas. C’est cet accompagnement au quotidien des personnes physiques comme morale que nous faisons. Il s’agit donc de les éclairer sur les conséquences des actes qu’ils posent ou qu’ils veulent poser. C’est un professionnel qui intervient lors d’un problème et il a plutôt un rôle préventif, puisqu’il intervient avant que l’intéressé ne pose un acte préjudiciable à lui-même, à un tiers ou ne fasse un acte regrettable.
Quelles sont les exigences du métier? Au-delà d’une formation en droit, y a-t-il des compétences spécifiques à avoir pour exercer cette profession?
Effectivement quand on dit conseiller juridique, bien sûr qu’on voit le qualificatif juridique qui suppose qu’il faut avoir une formation suffisamment pointue en droit. Le droit est suffisamment vaste en fonction des domaines et comme on a l’habitude de le dire, il y a la théorie et la pratique. Les évènements de la vie de l’homme évoluent, ce qui fait qu’à un moment donné, même les textes doivent être revus. Cela fait que la formation à elle seule dans un moment donné ne suffit pas au professionnel qui au quotidien, s’efforce de pouvoir mener à bien sa profession. Au-delà de cela, il faut avoir l’amour du métier. A l’université de Ouagadougou chaque année, il y a près de deux mille étudiants en maitrise de droit, mais c’est au moins six cent qui vont sortir. Et de ce lot, peut-être qu’on aura seulement 5 ou 6 conseillers juridiques, les autres vont vouloir devenir des magistrats, avocats ou notaires. C’est pour dire qu’au-delà de la formation, il faut une volonté pour la profession, en plus de l’amour du métier, il faut avoir une attitude adaptée au monde. Dans mon cas, c’est le monde des affaires qui m’intéresse, ce qui fait que nous devons suivre l’actualité du monde des affaires sur le plan national et international. Au besoin, suivre des formations en lignes et être à l’affut de tout ce qui est information et nouveauté dans le domaine du monde des affaires. Il faut de l’abnégation parce que c’est un métier qui n’est pas facile et si tu n’as pas la volonté, tu peux te décourager dès les premiers instants.
Vous êtes bien connu du milieu pour avoir accompagné de nombreuses entreprises, comment en êtes-vous arrivé à ce métier ?
Toute chose a effectivement un début comme on aime à le dire. C’est dire qu’au début, je me suis intéressé à ce qu’on appelle le monde des affaires qui est animé par des unités économiques qui sont les entreprises. Ça fait que dans mes débuts, notre accompagnement était de dire aux dirigeants d’entreprises «ne fait pas ceci ou cela ou plutôt fait ceci ou cela en conformité avec la loi». Mais nous nous sommes rendu compte qu’il y a beaucoup qui n’étaient pas en règle vis-à -vis de l’administration burkinabè, c’est pour dire qu’ils n’avaient même pas les documents nécessaires pour exercer leurs métiers. Et comme nous ne pouvions pas rentrer dans l’anarchie, nous avons décidé de travailler d’abord à les remettre sur les rails avant maintenant de commencer à parler d’une mission d’accompagnent. C’est dans ça que je me suis approché du guichet unique pour voir dans quelle mesure on pouvait travailler pour formaliser les entreprises. Au début, notre rôle était de guider les gens dans la création de leur entreprise. Cela nous a permis d’avoir une réputation dans ce domaine, j’aime dire que Ouagadougou est petit et les choses se passent de bouche à oreille. Pour un commerçant du grand marché par exemple que vous aidez à avoir ses documents, sachez que tous les autres commerçants qui vont causer avec lui, il va les recommander à vous. C’est comme ça effectivement que la question de confiance se créer et que ces derniers nous confiaient leurs dossiers pour la création de leurs entreprises. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est trahir la confiance des gens en faisant des faux papiers pour eux et tomber sous le coup de la loi pénale. En ce qui nous concerne, jusqu’à ce jour personne n’est venu se plaindre qu’il y a eu un problème depuis 2009 avec ses papiers. La facturation se faisait en fonction du travail et aux premiers instants on travaillait à perte, aujourd’hui nous avons acquis une expertise et nous travaillons dans la discrétion et la confidentialité totale.
Hamidou Tiemtoré, conseiller juridique et fiscal, DG du cabinet Juris-Monde-Conseil
Quelles sont les principales règles juridiques que doit respecter une entreprise en création au Burkina Faso ?
Bien, si c’est pour créer juridiquement une entreprise cela suppose d’abord qu’on puisse identifier le ou les promoteurs. Pour la plupart des demandeurs, ce sont des entreprises commerciales donc, l’âge de l’intéressé est vraiment important, sa profession actuelle et il faut s’assurer qu’il n’y a pas incompatibilité avec la profession du commerçant. On vérifie toujours pour voir si on est dans le principe pour appliquer les exceptions, il y a des systèmes palliatifs qui nous permettent de lever l’équivoque pour pouvoir avancer. Il y a aussi les questions de l’effectivité de l’entreprise. Il faut savoir si l’entreprise a une assise et si elle peut être identifiée. Ça, normalement, on s’adresse aux services des impôts. Sur la base de ces éléments, nous devons nous assurer que l’intéressé a un local ou bien qu’il a une facture d’eau ou d’électricité qui soit à son nom. S’assurer aussi qu’il est titulaire d’un contrat de bail. Si ce n’est pas le cas, comme nous sommes juristes nous allons l’aider à avoir un contrat de bail commercial enregistré aux impôts, ce qui va le protéger dans son activité. Nous suivons tout le processus pour avoir tous les documents comme le numéro IFU et le RCCM pour le client. Nous gardons un exemplaire chez nous et transmettons les originaux au client. A la remise des documents nous lui donnons des conseils d’usage à savoir comment gérer les questions financières, comment se comporter envers les clients, etc. Au-delà de ces éléments, il y a maintenant l’activité proprement dite du client. Notre rôle de conseiller juridique commence en réalité ici, c’est le suivi juridique des activités du client, des conseils sur ce qu’il peut ou ne peut pas faire, ce qu’il doit ou ne doit pas faire.
Quelles sont les difficultés les plus courantes que rencontrent les entreprises et qui nécessite un accompagnement d’un spécialiste en droit et fiscalité ?
Bien ! Ces difficultés sont de plusieurs ordres et je vais les regrouper en 4 branches. Il ya d’abord le coté de la comptabilité ou de la fiscalité de l’entreprise, ensuite celui des engagements avec les associés, pouvant aller aux engagements bancaires ou sociaux (engagement contrat du travail) et puis le problème des dettes (financement de l’entreprise) et enfin, on parler aussi souvent de l’organisation interne de la structure mais ce volet n’est pas si grave que ça en termes de droit. Pour ne prendre que l’exemple des obligations d’une entreprise vis-à -vis des impôts, on note que ces impôts sont des éléments qui fatiguent beaucoup d’entreprises au Burkina Faso. Ceci est d’autant vrai au point que certains entrepreneurs estiment que les impôts sont leurs ennemis mais, tout cela n’est qu’une question de culture et d’éducation fiscale. Parceque ceux qui viennent vers nous se rendent bien compte qu’en réalité, les impôts sont un partenaire et non une institution qui est là pour fourrer son nez partout dans leurs affaires. Les gens n’aiment pas les impôts donc ils ne partent pas vers ces services et ils ne mettent pas les impôts dans leurs programmes. Ce qui fait que lorsque les agents des impôts débarquent, c’est avec des prérogatives de puissance public et ils s’imposent à vous. Toute personne qui crée une entreprise doit tenir compte des impôts comme un agent qu’il a embauché. C’est une poche budgétaire et il faut toujours la prévoir pour que ça ne vous surprenne pas. Ce qui fait que pour la plupart, ce sont des avis de redressement fiscaux que les gens reçoivent parce que pensant qu’ils sont cachés pendant un ou plusieurs années, alors qu’ils pouvaient bien l’éviter. Et en ce moment, ils courent vers nous pour voir ce qu’ils peuvent faire alors que c’est une étape où le mal est déjà consommé. Les choses étant liées, à l’intérieur de l’entreprise quand vous tenez une bonne comptabilité, vous êtes exempte de beaucoup de soucis de ce genre.
Avec les nombreuses entreprises en création chaque jour au Burkina Faso et les jeunes qui demandent des financements pour en créer, quels conseils pouvez-vous leur donner pour servir de guide dans leurs affaires?
C’est tout simplement dire aux jeunes que s’ils ont des projets qui leur tiennent à cœur et s’ils peuvent commencer avec le peu qu’ils ont et bien, qu’ils le fassent. Le problème est que d’autre veulent commencer grand pourtant, c’est l’activité qui doit financer votre évolution. Et pour la question du financement de votre affaire, elle demeure une réalité mais je ne pense pas que les banques vont fléchir sur leur communauté de risque, ils tiennent à leurs garanties et pour changer cette donne, ce n’est pas pour aujourd’hui. Il appartiendra à nous jeunes, de commencer avec les moyens de bord avant de demander un accompagnement, cela est bien possible. C’est ce même principe mais de manière déguisée qui se passe avec les recruteurs. Quand vous voyez une offre d’emploi ou un recrutement quelconque, on exige une expérience avant de vous recruter. Donc il faut se lancer sur le terrain, apprendre de ses erreurs et des autres difficultés pour assoir les bases de son entreprise. Les jeunes doivent oser entreprendre et rêver grand. Si certaines étapes sont respectées, ils verront qu’ils vont s’en sortir. Je vous remercie.
Salamata NIKIEMA
Infobf.net