Après mes écrits du 15 novembre 2021 (invitant à une Transition choisie afin d’éviter une Transition obligée et subie comme c’est le cas actuellement), puis du 7 avril 2022 (faisant proposition de voies et moyens pour amputer les deux cancers dont souffre notre pays à savoir les partis politiques et le terrorisme), ce troisième écrit ne vient-il pas comme l’expression de mon outrecuidance ?
Oui. Je le reconnais. En effet, suite à mes écrits beaucoup m’ont posé la question : pour qui te prends-tu pour oser faire de tels écrits ? Et d’autres se la posent encore : pour qui se prend-il ? Je leur réponds : je suis un citoyen burkinabè ni téméraire ni lâche mais qui veut simplement faire preuve d’un peu de courage face à une situation particulière que traverse son pays.
Dans cette présente adresse donc, je me tourne particulièrement vers vous intellectuels engagés, coutumiers responsables et religieux dignes du Burkina Faso, pour vous poser des questions essentielles dont vous avez les réponses existentielles. Jusque-là n’avez-vous pas compris que « toutes les crises au Burkina n’ont jamais eu de solutions par les institutions de la République » (parole d’un illustre constitutionnaliste burkinabè) et que ce ne sera pas cette crise qui sera la première à trouver une solution politique ? Refusez-vous d’admettre que depuis l’évènement du putsch du 24 janvier 2022, il se pose des actions incompréhensibles et il se passe des mises en scène ambiguës qui déroutent plus d’un Burkinabè ?
Ignorez-vous vraiment que l’armée burkinabè est triplement divisée du fait d’abord de l’émulation ou la concurrence naturelle entre corps habillés, ensuite du fait des politiques, et enfin du fait d’une faction de l’armée au pouvoir actuellement ? Ne savez-vous pas que même si la guerre contre le terrorisme n’est pas seulement une affaire de guerre militaire, la guerre militaire est capitale ne serait-ce que pour dissuader l’adversaire en face afin de pouvoir négocier avec lui sereinement et sans compromission ?
N’avez-vous pas encore compris que le MPSR parvenu au pouvoir ne peut pas faire l’unité des Burkinabè tout comme le régime qu’il a renversé n’a pu le faire, parce que la majorité des Burkinabè ne croient plus aux politiciens ni aux autorités étatiques de ce pays qui sont vus et considérés comme n’étant pas exempts de tout esprit partisan, de mensonge et de traîtrise ou de trahison ?
Ne voyez-vous pas que les autorités actuelles ont de la peine à se faire entendre, même dans leur appel à « s’attraper les mains pour sauver notre nez » ? N’imaginez-vous pas qu’ils ont les moyens de quitter le pays à tout moment et il se pourrait même qu’ils aient déjà d’autres nationalités et une fois que le pays sera suffisamment à feu et à sang ils s’en iront ailleurs et vous y laisseront là-bas dans les ruines ?
Ne comprenez-vous pas que dans la crise sans précédent dans laquelle nous sommes, il convient de nous référer au sens d’une crise avec François Garignon et d’agir en conséquence ? Crise, dit-il, vient du grec « krisi » qui signifie : décision, jugement et qui renvoie à l’idée d’un moment clé, charnière, où quelque chose va se décider. Si les crises sont rarement souhaitées, elles font souvent partie des transitions ou des mutations nécessaires.
Quand bien même nous voudrions garder aux choses leur statu quo, la mobilité du réel nous en empêche et nous pousse toujours – fut-ce malgré nous – à nous adapter. La fonction salutaire des crises, c’est qu’elles nous secouent de la torpeur que des habitudes trop bien réglées pourraient générer à notre insu. Les crises sollicitent une tension de notre part, un engagement renouvelé, une reprise en main de notre destin. Elles sont des résolutions intérieures nécessaires. Et Baudelaire a eu un jour ce mot : « Remettre tout en question, c’est plonger au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ».
Allez-vous continuer à faire des débats intellectuels et des analyses masturbatoires, faire des déclaration et appels que personne n’écoute puisque les gens ont fini par comprendre que le courage de la vérité ne consiste pas à dire ce qu’on pense mais à s’engager pour que soient réalisés non seulement ce qu’on pense être juste mais aussi le bien commun ? Intellectuels engagés, l’heure n’est plus à la réflexion ni aux débats (car tout a été pensé et dit). Coutumiers responsables et religieux dignes, l’heure n’est plus aux simples appels et déclarations.
L’heure est à la prise de décisions courageuses et à des actions concrètes de votre part. Pour ce faire, ne pensez-vous pas qu’il faut un leader « hors politique » et « hors armée » pour espérer faire la paix au sein de l’armée, recadrer les politiciens et demander l’unité du peuple burkinabè afin que cessent politique politicienne, injustices et inégalités et que le peuple dans l’unité puisse mener urgemment cette guerre contre le terrorisme et essayer d’asseoir dans la mesure du possible une démocratie participative sans partis politiques qui divisent, corrompent, tuent et détruisent ? Oui !
Ayez la responsabilité, la dignité et surtout le courage en vos qualités, d’intellectuels engagés, de coutumiers et de religieux, de dire aux autorités actuelles qu’elles ont été débordées à tort ou à raison par la situation et amenez-les d’une manière ou d’une autre à accepter que notre pays puisse passer à une Transition de cohésion sociale et nationale, avec à sa tête un leader « hors politique » et « hors armée » qui fera la paix au sein de l’armée, calmera les ardeurs des partis politiques et appellera à l’unité le peuple burkinabè tout entier afin qu’ensemble nous fassions face à l’imbroglio dans lequel notre pays le Burkina Faso se trouve. Intellectuels engagés, coutumiers responsables et religieux dignes, réunissez-vous et unissez-vous pour trouver ce leader « hors politique » et « hors armée », car vous devez le trouver hic et nunc ce Burkinabè leader qui pourra incarner les aspirations de tout le peuple et non celles d’une partie du peuple ou même d’un simple clan. Une chose est sûre : s’il faut l’unité nationale pour vaincre le terrorisme, elle ne peut être réalisée que par cette voix d’inclusion sociale et nationale, et cette « unité nationale en temps de guerre » servira de tremplin pour enclencher une vraie réconciliation nationale.
En tout cas, après tant d’années de tâtonnements, d’hésitations avec les conséquences que nous connaissons, nous savons ce qu’il faut faire pour que notre pays ne devienne dans un futur proche, le pays de « si on n’avait su », si effectivement rien n’est fait !
S’il nous manque le courage de nous décider et de décider, le Burkina Faso subira le sort de l’âne de Buridan : il mourra !
Intellectuels engagés, coutumiers responsables et religieux dignes, vous le savez mieux que moi : « le silence devient un péché lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation ; et, d’un homme, il fait alors un lâche » Abraham Lincoln ; les réflexions ainsi que les appels et déclarations sans actions sont nuls et vides ; « si vous êtes neutres devant une situation d’injustice, c’est que vous avez choisi d’être du côté de l’oppresseur. »
Desmond Tutu. Si tel est le cas, Intellectuels engagés, coutumiers responsables et religieux dignes, réunissez-vous et unissez-vous pour lancer un appel au peuple Burkinabè, avec un leader désigné en tête, afin qu’ensemble nous puissions prendre notre destin en main en agissant avec responsabilité pour le bien commun : celui de tous et de chacun. Si vous faites ainsi vous agirez bien car vous pouvez encore être le dernier recours. De fait, sentez-vous comptables et responsables du sort futur du Burkina Faso.
Tout en vous priant de bien agréer, intellectuels engagés, coutumiers responsables et religieux dignes, mes sentiments de considération, je sais compter sur vous pour que l’histoire ne retienne contre quiconque quelque chose qui aurait permis que notre pays soit plongé dans un quelconque chaos. La Patrie ou la mort, nous vaincrons !
Montpellier, le 15 Août 2022
Abbé Cyprien OUEDRAOGO